Rapport de :
Michel Faure Vice-Président de la Fédération Environnement Durable
Jean-Louis Rémouit Administrateur de la Fédération Environnement Durable
décembre 2024
PREAMBULE.
La présente note a pour objectif de décortiquer le mécanisme principal de la dépense publique utilisée pour lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de GES. Mais elle n’aborde pas toutes les conséquences directes et indirectes de cette politique publique notamment sur le prix de l’électricité payé par le consommateur ou sur l’environnement.
Cet outil budgétaire est essentiellement identifié dans un programme intitulé « Service Publique de l’Energie » (SPE).
Il se retrouve dans le budget Ecologie, développement et mobilité durables.
Les AE (autorisations d’engagement) de ce ministère dans la LFI 2025 se montent à 21,8 Mds dont 7,33 Mds (33,6%) au titre du SPE.
En 2024, le SPE ne représentait que 5,4 Mds sur 24,1 Mds (soit 24,13%) des AE des ministères écologie et énergie.
Ce taux marque donc une progression très significative en un an (2025 vs 2024).
ORGANISATION DU BUDGET :
Dans un pays où les dépenses publiques représentent entre 50% et 60% de son PIB, il a paru nécessaire de mettre en place progressivement des mécanismes des démarches évaluatives de l’action publique.
Une première avancée a eu lieu en 2007 avec l’instauration de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), puis en 2012, la modernisation des politiques publiques (MAP) et en 2015, la mise en place d’une délégation interministérielle des transformations publiques (DITP) placée sous l’autorité directe du Premier ministre.
L’organisation budgétaire actuelle du pays est régie par une véritable « constitution financière », la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), texte juridique fixant le cadre des lois de finances. Elle tente de proposer dans le budget une logique de résultats.
La LOLF instaure des Projets Annuels de Performance (PAP), qui présentent les actions des différentes administrations pour l'année à venir. L'évaluation des objectifs se fait l'année suivante, dans les Rapports Annuels de Performance (RAP).
Une nomenclature budgétaire par destination de dépense a été mise en place. Il s’est instauré des « missions » - objectif de politique publique à atteindre- déclinée en « programmes » (eux-mêmes subdivisés à titre indicatif en « actions »). Au sein des programmes, le gestionnaire dispose d'une grande liberté pour ventiler ses crédits. Ainsi, les gestionnaires sont désormais sensés rendre des comptes sur l'efficacité de l'utilisation des crédits qui leur ont été attribués.
En ce qui concerne la dépense pour le Service Public de l’Energie, elle est identifiée dans le « Programme 345, Service public de l'énergie ».
LE FONDEMENT JURIDIQUE DE SERVICE PUBLIC DE L’ENERGIE
La notion de Service Public de l’Energie a été introduite dans le droit français – pour l’électricité avec la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 (modernisation et au développement du service public de l’électricité, et pour le gaz avec la loi n° 2003-8 (marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie), après ouverture à la concurrence de ces marchés.
Les principes du SPE sont définis à l’article L. 121-1 du code de l’énergie.
Pour le suivi de la « performance » identifiée dans cet article L.121-1 du Code, il a été mis en place un « Comité », le Comité de Gestion des Charges de Service Public de l’Electricité (CGCSPE) ; il a pour vocation d’éclairer les citoyens et parlementaires sur ces engagements pluriannuels ; cela recouvre d’ailleurs une partie de la mission de la CRE.
Placé auprès du ministre chargé de l’énergie, ce Comité comporte outre des représentants des institutions concernées par les charges de service public de l’énergie (Cour des comptes, Commission de régulation de l’énergie, ministères chargés de l’énergie, de l’économie, du budget et des outre-mer), trois personnes qualifiées respectivement pour leurs compétences dans les domaines des énergies renouvelables, des zones non interconnectées et de la protection des consommateurs.
LA COMPOSITION DU CGCSPE
Les personnalités « qualifiées » ont été désignées initialement en 2017 ;
On y comptait
• Mme Marie-Laure Lamy. Mme Lamy était directrice d'ALOEN Agence Locale de l'Energie et du Climat de Bretagne Sud et co-présidente du CLER, association nationale qui promeut les ENR,
• M. Daniel Fauvre, ingénieur général des ponts et chaussées, à l’inspection générale des ministères Écologie Énergie Territoires, et ancien MRAe de la région Pays de la Loire,
• Mme Françoise Thiébault, conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), où elle en charge du dossier « Services publics » depuis 2004 ; elle siège au titre des consommateurs au CSEG, ainsi qu’au CSE (Conseil supérieur de l’énergie) depuis 1999. Elle est aujourd’hui coordinatrice du secteur Énergie du CNAFAL ; elle donné sa vision “J’ai une vision de la consommation qui n’est pas seulement le prix le plus bas, ce qu’on reproche souvent aux consommateurs, mais une vision qui englobe aussi les aspects sociaux, environnementaux et citoyens de la consommation. “
En décembre 2021, Mme Lamy est remplacée par Hélène Gassin ; Mme Gassin a débuté sa carrière professionnelle comme responsable de la campagne énergie de Greenpeace-France ; elle a rejoint la Commission de régulation de l’énergie en tant que Commissaire et a pris la présidence de NégaWatt le 19 septembre 2022. Elle est présentée dans son CV pour sa nomination, comme consultante en stratégies territoriales dans le secteur de l’énergie.
Le Comité est coprésidé par Mme Gassin et un représentant de la CRE.
PROJET ANNUEL DE PERFORMANCE – ANNEXE DU PLFI 2025 – PROGRAMME 345
L’article L 121-1 du Code de l’Energie définissant le Service Public de l’Electricité, stipule dans son alinéa2 :
Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Et dans son alinéa 3 :
Il concourt à la cohésion sociale, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
Pour respecter les objectifs du Service Public de l’Electricité énoncé par le Code de l’Energie, pour le PLFI 2025, le CGSPE a fixé 5 objectifs principaux, eux même mesurés en indicateurs :
OBJECTIF 1 : Contribuer à porter à 40% la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2030
- INDICATEUR 1.1 : Part des énergies renouvelables dans la production d'électricité
- INDICATEUR 1.2 : Puissance installée des principales filières de production d'électricité à partir d'énergie renouvelable : éolien terrestre, éolien en mer, photovoltaïque (MW)
- INDICATEUR 1.3 : Rémunération de référence moyenne des nouveaux contrats de soutien pour les principales filières de production d'électricité à partir d'énergie renouvelable : éolien terrestre, éolien en mer, photovoltaïque (€/MWh)
OBJECTIF 2 : Contribuer à porter à 10% la part des énergies renouvelables dans la consommation de gaz d'ici 2030
- INDICATEUR 2.1 : Part des énergies renouvelables dans la consommation de gaz
- INDICATEUR 2.2 : Volume de biométhane injecté
- INDICATEUR 2.3 : Rémunération de référence moyenne des nouveaux contrats de soutien pour l'injection de gaz (€/MWh)
OBJECTIF 3 : Contribuer à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées
INDICATEUR 3.1 : Ratio du montant pris en charge par la CSPE par rapport au coût total de production par ZNI
OBJECTIF 4 : Contribuer à porter à au moins 6,5 gigawatts les capacités installées d'effacements en 2028
- INDICATEUR 4.1 : Capacités d'effacements installées
- INDICATEUR 4.2 : Prix de clearing de l'appel d'offres effacements (AOE) contractualisé pour l'année par le gestionnaire du réseau public de transport public d'électricité (€/MW)
OBJECTIF 5 : Développer une filière de l'hydrogène renouvelable et décarbonée
- INDICATEUR 5.1 : Compensation du différentiel entre les coûts de production de l'hydrogène décarboné et les coûts de production de l'hydrogène fossile (€/kg)
REMARQUES ET COMMENTAIRES
1) Pas d’indicateur sur le réchauffement climatique les émissions de GES,
Alors que la lutte contre le réchauffement climatique semble être un des objectifs repris ad nauseam par tous les politiques tant sur le plan national qu’international, le CGCSPE ne croit pas utile de mettre en place un quelconque indicateur portant, soit les émissions de GES, soit sur la consommation d’énergie fossile du pays,
A l’instar de la Commission européenne, le Comité confond objectif et moyen, en prétendant que la croissance sans mesure des ENR intermittentes, va freiner les émissions de GES et la consommation d’énergie fossile.
2) Alors que la LOLF veut remettre dans la culture budgétaire, une logique de résultats, il n’y a pas d’analyse Bénéfice/ Coût. Il s’ensuit qu’il n’y a strictement aucun lien entre,
D’une part, la notion de Service Public de l’Electricité telle que stipulée à l’alinéa 2 de l’article L 121-1 du Code de l’Energie : « le Service Public de l’Electricité contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie »,
Et d’autre part, l’objectif 1 défini par la CGCSPE : « Contribuer à porter à 40% la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2030 ».
Le CGCSPE serait bien en peine, d’expliquer en quoi le développement des ENR intermittentes permet de répondre à la qualité de l’air, à la lutte contre le GES, à la compétitivité de l’activité économique…On observe, en fait, l’effet contraire.
Dans aucun autre chapitre budgétaire de la LFI, il n’existe un tel décalage entre objectif et démarche à suivre pour atteindre cet objectif.
3) Les énergies renouvelables prévues par le programme 345, sont limitées à trois ENR intermittentes : éolien terrestre, éolien en mer et photovoltaïque.
Les grands absents sont :
- L’hydroélectricité, ENR pourtant historique, décarbonée et pilotable. Elle a représenté 11,9% du mix de production en 2023 devant l’éolien. EDF, gestionnaire de 80 % du parc hydroélectrique, est en mesure « d'augmenter la puissance installée de son parc existant de 2 GW sous dix ans, et d'au moins 2 GW supplémentaires après 2035, soit une augmentation de 15 % à 20 % de la puissance installée » du parc,
- La géothermie est également complètement négligée ; cette énergie, renouvelable, décarbonée, pilotable, locale, accessible quasiment sur l’ensemble du territoire, est largement moins développée qu’en Suisse, Suède ou Allemagne ; il est vrai que ce type d’énergie, moins spectaculaire que les éoliennes ou le photovoltaïque ne bénéficie pas aux lobbies privés.
- Et surtout l’électricité nucléaire, Cette filière est pourtant admise dans les activités économiques durables au plan environnemental par le Parlement Européen et couverte par la taxonomie de l’UE; aucune mention n’en est faite par le CGCSPE…
Ces trois modes d’énergies qui sont pourtant non émetteurs de GES, pilotables et permettant d’économiser les énergies fossiles, participent donc pleinement à la gestion optimale des ressources nationales, à l’indépendance nationale et à la lutte contre le réchauffement climatique.
Mais peut-être que l’origine de ces étranges oublis est à rechercher dans le fait que le CGCSPE est entre les mains de NeoWatt et de Greenpeace.
4) La politique du CGCSPE pousse les prix payés par le consommateur à la hausse de façon continue et non maîtrisée.
Au titre l’indicateur 1.3, les prix de référence publiés par le CGCSPE sont les suivants :